Introduction : Le bon sens du respect
Respecter les femmes n’est pas une faveur, ni une posture morale. C’est une évidence. Une évidence du cœur, une nécessité du bon sens, un fondement de toute société qui aspire à l’équilibre, à la paix, à la maturité. Pourtant, dans un monde où les polarités s’affrontent au lieu de se compléter, où la peur de l’autre se déguise en virilité, le respect du féminin devient un combat, une revendication, voire une utopie.
Ce paradoxe révèle une fracture plus profonde : celle entre les énergies du Yin et du Yang, entre le féminin et le masculin, entre l’écoute et la domination. Il ne s’agit pas seulement d’une question de genre ou de droits, mais d’un déséquilibre fondamental dans notre manière d’être au monde.
Masculinisme et féminisme : deux échos d’un même déséquilibre
Le débat contemporain sur l’égalité homme-femme semble souvent s’enliser dans une rhétorique d’opposition. Le masculinisme se présente parfois comme une réponse au féminisme, comme si l’un ne pouvait exister sans l’autre, comme si l’élévation de l’un impliquait nécessairement l’abaissement de l’autre. Cette lecture binaire, pourtant, occulte des réalités historiques d’oppression millénaire.
Le masculinisme, souvent présenté comme une réaction au féminisme, n’est en réalité qu’un écho. Il surgit dans le sillage d’un mouvement qui, lui-même, est né d’une oppression millénaire. Le féminisme, dans ses formes les plus radicales, peut parfois sembler excessif, mais il est avant tout une tentative de rééquilibrage. Il ne s’agit pas de vengeance, ni même de réparation, mais d’une rectification nécessaire.
Le féminisme, dans ses formes les plus radicales, peut sembler excessif à certains. Mais il est avant tout une tentative de rééquilibrage.
Les quotas, les politiques de discrimination positive, les lois sur la parité font évidemment grincer des dents certains hommes. Ils y voient une injustice, une mise à l’écart, une atteinte à leur mérite. Pourtant, ces mesures sont bien peu de choses en comparaison de la disqualification systémique des femmes pendant des siècles. Elles ne sont pas des privilèges, mais des béquilles provisoires, des ajustements indispensables pour compenser une asymétrie historique.
La véritable réparation ne réside pas dans ces dispositifs techniques, mais dans un retour à l’harmonie des principes fondamentaux. Une harmonie symbolisée par l’arborescence du Yin et du Yang, polarité essentielle du vivant. Le déséquilibre entre ces deux forces n’est pas seulement social ou politique : il est ontologique. Il touche à la structure même du réel.
Et surtout, elles n’ont pas vocation à durer. Le jour où l’équilibre sera rétabli, où les femmes auront accès aux mêmes opportunités sans entraves, ces dispositifs n’auront plus lieu d’être. Mais pour l’instant, ils sont le signe d’une société qui tente de se guérir, de se redresser, de retrouver sa verticalité.
Le Yin et le Yang : une sagesse oubliée
Dans la philosophie taoïste, le Yin (féminin) et le Yang (masculin) ne sont pas des opposés, mais des complémentaires. L’un ne peut exister sans l’autre. Le jour a besoin de la nuit, l’action de la pause, la force de la douceur. Pourtant, nos civilisations ont souvent glorifié le Yang au détriment du Yin. L’efficacité, la puissance, la conquête ont été valorisées, tandis que l’écoute, la lenteur, la cyclicité ont été reléguées au second plan.
Même dans les cultures asiatiques, où le YinYang est un principe fondateur, les sociétés étaient profondément patriarcales. Les femmes étaient tenues sous le joug, exclues des sphères de pouvoir, cantonnées à des rôles subalternes. Pourtant, les arts traditionnels comme le yoga, le Qi Gong ou le Tai Chi — bien que majoritairement pratiqués par des hommes — cultivent des valeurs profondément féminines : la douceur, la progressivité, le respect des rythmes naturels du corps.
Ces disciplines nous rappellent que la puissance véritable ne réside pas dans la domination, mais dans l’harmonie. Que la force n’est pas l’opposé de la vulnérabilité, mais sa complice. Que l’équilibre ne se conquiert pas, il se cultive.
La décadence : l’oubli de la polarité
Le danger contemporain réside dans une forme d’obscurantisme qui remonte à la racine même du Yin et du Yang, en s’attaquant à cette polarité fondamentale. Détester l’autre, quel qu’il soit, est généralement un réflexe né de la peur. Cette peur, lorsqu’elle se manifeste dans le rejet du féminin ou la domination agressive, se drape souvent dans une caricature de virilité qui n’est que l’expression d’une faiblesse inavouée, d’un pur infantilisme.
Le rejet de la femme et de ses valeurs symboliques est le signe d’une peur panique : celle de se reconnaître faible. Plutôt que de choisir la voie difficile du travail sur soi pour grandir et se renforcer, certains optent lâchement pour le refuge dans un ego collectif. Ils se réfugient derrière l’image misérable du « petit mâle alpha », qui n’a d’Alpha que le nom, car il n’est qu’un débutant dans la vie, ignorant encore les premières leçons de l’équilibre.
Comme lorsqu’un cancer se rapproche des organes vitaux, cette rupture de l’équilibre du Yin-Yang est le signe de la fin d’une décadence. L’harmonie véritable ne réside pas dans la domination d’une polarité sur l’autre, mais dans leur interdépendance mutuelle. Le respect des femmes est, en essence, le respect du Yin par le Yang, la reconnaissance que la douceur et la réceptivité sont des puissances vitales, indispensables à l’équilibre et à la survie de l’humanité.
La rencontre des polarités : fondement du vivant
À la racine de toute vie, il y a la rencontre de deux polarités. Biologiquement, la reproduction humaine repose sur la complémentarité de deux fonctions sexuelles. Mais au-delà de la biologie, cette dualité est le reflet d’une vérité plus vaste : la vie se prolonge, se régénère, se transforme par la rencontre de ce qui est différent.
Rejeter le féminin, c’est refuser cette complémentarité. C’est nier la vie. C’est vouloir un monde univoque, uniforme, stérile. C’est préférer l’entre-soi à la rencontre, la fermeture à l’ouverture, la peur à l’amour. Le rejet de la femme n’est, au fond, qu’une forme fondamentale du rejet de l’autre. Une peur de la différence. Une peur de ce qui n’est pas soi.
Restaurer l’équilibre entre le féminin et le masculin, ce n’est pas seulement une question de justice sociale. C’est une question de survie. C’est une question de civilisation. C’est une question d’humanité.
Les traditions initiatiques : une mémoire du féminin sacré
En Amérique du Sud, les chamanes suivaient la voie des « hommes creux », une voie de dépouillement et de sensibilité décrite par Luis Ansa dans La voie du sentir. Ces hommes, souvent initiés par des femmes, apprenaient à écouter, à ressentir, à se relier au vivant. De même, dans le tantrisme cachemirien, les tantrikas — hommes et femmes — exploraient la polarité sacrée du féminin et du masculin, dans une quête d’unité et de transcendance.
Ces traditions nous rappellent que le féminin n’est pas une faiblesse, mais une force subtile, une sagesse profonde. Elles nous enseignent que l’évolution spirituelle passe par l’intégration du Yin, par la reconnaissance de notre vulnérabilité, par l’abandon des masques virils qui ne sont que des armures d’enfant effrayé.
La sagesse du corps : écouter le féminin
Les civilisations traditionnelles, y compris les cultures asiatiques, ont été historiquement machistes. Les femmes y étaient souvent tenues à l’écart, soumises à des rôles subalternes, exclues des sphères de pouvoir. Pourtant, en parallèle de cette domination sociale, certaines pratiques ont cultivé des valeurs intrinsèquement liées au principe féminin (Yin).
Des arts traditionnels comme le Yoga ou le Qi Gong, bien que souvent réservés aux hommes ou pratiqués majoritairement par eux, ont développé l’écoute, la douceur, la progressivité et le respect des cycles circulatoires naturels du corps. Ces pratiques ont discrètement maintenu et honoré la dimension réceptive et cyclique, des qualités fondamentalement féminines. Elles ont transmis, parfois à l’insu même de leurs pratiquants, une sagesse du corps qui échappe à la logique de la performance et de la domination.
De même, en Amérique du Sud, les chamans suivaient parfois la voie des « hommes creux », comme l’évoque Luis Ansa dans La Voie du Sentir. Cette approche valorise la concavité, la capacité à capter et à accueillir sans chercher à dominer ou à comprendre mentalement – une posture souvent initiée par des femmes, tout comme chez les tantrikas du Cachemire. Ce « creux » est l’espace de l’âme, le lieu de la réceptivité pure, la source d’une force non-agressive, où le mental avide ne pénètre pas. Il rappelle que l’énergie la plus puissante peut être celle qui écoute et qui contient.
Ces traditions nous rappellent que le féminin n’est pas une faiblesse, mais une force subtile, une sagesse profonde. Elles nous enseignent que l’évolution spirituelle passe par l’intégration du Yin, par la reconnaissance de notre vulnérabilité, par l’abandon des masques virils qui ne sont que des armures d’enfant effrayé.
Le rejet du féminin : une peur de la différence
Pourquoi détester l’autre, par principe ? Parce qu’on a peur. Et de quoi a-t-on peur, quand on se drape dans une virilité caricaturale ? De sa propre faiblesse. Plutôt que de travailler sur soi pour grandir, on se réfugie derrière un ego collectif, celui des « petits mâles alpha » qui n’ont d’alpha que le nom. Ce ne sont pas des leaders, mais des débutants dans la vie, qui n’ont pas encore appris ses premières leçons : l’humilité, la coopération, la reconnaissance de l’autre.
Le rejet de la femme n’est, au fond, qu’une forme fondamentale du rejet de l’autre. Une peur de la différence. Une peur de ce qui n’est pas soi. Or, la différence entre l’homme et la femme est la plus originelle de toutes. Elle est inscrite dans la biologie, dans la nécessité même de la vie. Deux fonctions sexuelles distinctes, qui doivent se rencontrer et se compléter pour prolonger l’existence.
Rejeter le féminin, c’est refuser cette complémentarité. C’est nier la vie. C’est vouloir un monde univoque, uniforme, stérile. C’est préférer l’entre-soi à la rencontre, la fermeture à l’ouverture, la peur à l’amour.
L’obscurantisme moderne : un cancer de la polarité
Quand une société commence à haïr le féminin, à le caricaturer, à le réduire à une menace, c’est le signe d’une décadence avancée. Comme un cancer qui atteint les organes vitaux, l’obscurantisme qui s’attaque à la racine du YinYang annonce la fin d’un cycle. Ce rejet du féminin — qu’il soit incarné dans les femmes ou dans les valeurs de douceur, d’écoute, de circularité — est une forme de suicide civilisationnel.
Il ne s’agit pas seulement de misogynie. Il s’agit d’un dérèglement plus profond, d’un déséquilibre énergétique, d’une perte de sens. Une société qui méprise le féminin est une société qui a perdu le contact avec la vie, avec la nature, avec le mystère.
Vers un nouvel équilibre : dépasser les excès
Ni le féminisme radical ni le masculinisme ne peuvent nous offrir une société équilibrée. Ce sont des extrêmes, des cris dans le désert, des tentatives de rééquilibrage qui, parfois, se perdent dans la confrontation. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une réconciliation. D’un retour à la source, à la complémentarité, à l’unité.
Cela ne signifie pas nier les injustices passées ni renoncer aux réparations nécessaires. Cela signifie reconnaître que l’avenir ne peut se construire que dans l’écoute mutuelle, dans le respect des polarités, dans l’intégration des forces du Yin et du Yang. Cela signifie aussi que les hommes doivent apprendre à accueillir leur part de féminin, à se libérer des injonctions viriles, à devenir des êtres sensibles, responsables, ouverts.
Conclusion : Le respect, fondement du vivant
Respecter les femmes, ce n’est pas une faveur. Le respect des femmes n’est pas une option. C’est un devoir. C’est reconnaître en elles une moitié du vivant, une polarité essentielle et paritaire. C’est aussi se respecter soi-même, en tant qu’homme, en tant qu’être humain, en tant que porteur d’une part de Yin.
Le respect du féminin est le début de la guérison. Il est le chemin vers une société plus juste, plus douce, plus vivante. Il est le cœur le plus évident, et le bon sens le plus fondamental.
C’est une condition de l’équilibre. Une condition de la paix. Une condition de la maturité collective. Ce respect ne se décrète pas, il se cultive. Il commence par l’écoute, par la reconnaissance, par l’humilité. Il commence par le courage de regarder en soi ce qui a peur, ce qui rejette, ce qui domine.
Sortir de l’âge de la peur, c’est entrer dans l’âge de la rencontre. C’est comprendre que la force véritable ne réside pas dans la conquête, mais dans l’alliance. Que la puissance ne se mesure pas à la capacité de dominer, mais à celle de contenir, d’accueillir, de transformer.
Ecoutez quelques instants le discours de cette femme académicienne, qui évoque des évidences qui devraient nous faire réfléchir sur la banalisation de la disqualification des femmes et du féminin de l’être…



