Et si le vrai secret du lâcher prise n’était pas dans l’effort, mais dans l’appui ?
Non pas dans un relâchement volontaire du haut du corps, mais dans une ancrage profond du bas.
C’est là tout le paradoxe : on ne peut pas se détendre par la force. Mais on peut cesser de se crisper. Comment ?
En s’appuyant. En bas. Dans le bassin. Dans ce qui, trop souvent, nous fait peur.
Qu’est-ce que le lâcher prise ?
Le lâcher prise est un concept psychologique et spirituel fondamental qui consiste à accepter ce qui est, à relâcher le besoin de contrôle, et à se détacher des attentes, des peurs et des attachements qui nous retiennent. Ce n’est pas de l’indifférence ou de la résignation passive, mais plutôt une attitude active et consciente qui permet de vivre plus sereinement face aux événements de la vie, qu’ils soient positifs ou négatifs.
Les piliers du lâcher prise
On considère habituellement que le lâcher prise repose sur plusieurs idées clés :
- L’acceptation de l’impermanence : Tout change constamment. Vouloir que les choses restent identiques ou se déroulent exactement comme prévu est une source de souffrance. Lâcher prise, c’est comprendre et accepter cette nature transitoire de la vie.
- Le non-attachement : S’attacher excessivement aux personnes, aux biens matériels, aux résultats ou même aux idées, crée de la dépendance et de l’anxiété. Le lâcher prise invite à apprécier ces éléments sans en faire la seule source de notre bonheur.
- La confiance : C’est faire confiance en la vie, en ses propres capacités à faire face, et parfois en un processus plus grand que soi. Cela ne signifie pas être naïf, mais plutôt cultiver une foi que les choses peuvent se résoudre, même si ce n’est pas de la manière que l’on avait imaginée.
- La conscience du moment présent : Le lâcher prise est intrinsèquement lié à la pleine conscience. En étant pleinement présent, on se libère des regrets du passé et des angoisses du futur, ce qui facilite l’acceptation de la réalité actuelle.
- La distinction entre ce que l’on peut contrôler et ce que l’on ne peut pas : C’est sans doute l’aspect le plus pratique du lâcher prise. Nous avons un pouvoir limité sur les événements extérieurs, sur les actions des autres ou sur le passé. En revanche, nous pouvons contrôler nos réactions, nos pensées et nos émotions. Le lâcher prise, c’est orienter son énergie vers ce qui est sous notre influence et délaisser ce qui ne l’est pas.
Pourquoi le lâcher prise est-il si difficile ?
Le lâcher prise va à l’encontre de notre instinct de survie et de notre besoin inné de sécurité et de contrôle. Plusieurs raisons rendent ce processus complexe :
- Peur de l’inconnu : Lâcher prise signifie souvent s’aventurer hors de notre zone de confort, ce qui peut générer de l’anxiété.
- Besoin de maîtrise : Notre société valorise la performance et la capacité à tout gérer, renforçant l’idée que tout doit être sous contrôle.
- Attachement à l’ego : Se défaire de certaines attentes ou du besoin d’avoir toujours raison peut menacer notre identité ou notre estime de soi.
- La croyance que lâcher prise est de la faiblesse : À tort, certains pensent que lâcher prise, c’est abandonner ou être passif. Au contraire, c’est une preuve de force et de maturité émotionnelle.
- Le poids des émotions : La colère, la tristesse, la rancune ou la peur peuvent nous maintenir prisonniers d’événements passés ou de situations que nous ne parvenons pas à accepter.
Comment pratiquer le lâcher prise ?
Le lâcher prise est un apprentissage continu et non un état que l’on atteint une fois pour toutes. Voici quelques pistes pour le cultiver :
- Identifier ce que l’on essaie de contrôler : Prenez conscience des situations ou des personnes sur lesquelles vous tentez d’exercer un contrôle excessif.
- Distinguer le contrôlable de l’incontrôlable : Faites la liste de ce qui dépend de vous et de ce qui ne dépend pas de vous. Concentrez-vous sur le premier.
- Accepter ses émotions : Plutôt que de les refouler, reconnaissez vos émotions (peur, colère, tristesse) sans les juger. Laissez-les traverser.
- Pratiquer la pleine conscience (mindfulness) : La méditation et les exercices de respiration aident à se recentrer sur le moment présent et à observer ses pensées sans s’y accrocher.
- Changer sa perspective : Essayez de voir les situations difficiles comme des opportunités d’apprentissage ou de croissance.
- Se pardonner et pardonner aux autres : La rancune et les regrets sont des fardeaux qui empêchent de lâcher prise.
- Faire confiance au processus : Parfois, il suffit de « laisser faire » et de voir comment les choses évoluent, sans forcer.
- Apprendre à dire non : Refuser ce qui ne nous convient pas est une forme de lâcher prise sur le besoin de plaire ou de se conformer.
- Exprimer sa gratitude : Se concentrer sur ce que l’on a plutôt que sur ce qui nous manque ou ce que l’on ne peut pas contrôler aide à relativiser.
Mais ici, nous allons évoquer, comme énoncé dans l’introduction, un autre aspect du lâcher prise, souvent méconnu. Le lâcher prise dans le corps, qui contribue largement au lâcher prise émotionnel.
1. L’illusion du lâcher prise comme effort volontaire
Nous pensons souvent que lâcher prise implique une action : il faudrait « lâcher » quelque chose, volontairement, comme on ouvre les doigts. Mais ce serait oublier que la tension elle-même n’est pas volontaire. On ne peut pas vraiment décider de relâcher ses épaules. On peut, en revanche, changer la manière dont on s’appuie au sol. C’est alors que les épaules « lâchent » toutes seules.
2. S’appuyer dans le bassin : une clef somatique de confiance
Le bassin est le socle. Quand on s’y installe, qu’on y respire, qu’on le reconnaît comme centre de gravité, alors le haut du corps devient libre. Ce n’est pas une image, c’est une vérité biomécanique. Le corps fonctionne en chaîne : si la base est solide, le haut peut s’étendre, s’alléger.
Exemple : en pratique du chant ou du théâtre, les formateurs insistent sur l’ancrage : sans lui, la voix ne sort pas, les bras sont rigides. Ce que l’on détend en bas libère le haut.
3. Accueillir les zones taboues du corps : sexe et ventre
Mais pourquoi est-ce si difficile de prendre appui dans le bassin ?
Parce qu’il est le siège de zones qu’on préférerait oublier. Le sexe, le ventre, les entrailles. Autant d’espaces que notre culture a longtemps recouverts de silence, de honte ou de pudeur. Et pourtant, c’est bien dans ces profondeurs que se trouve la clef du relâchement. Mais c’est aussi là que se logent les peurs viscérales…
4. Le corps comme miroir de l’âme : tensions physiques et blocages intérieurs
Nos émotions, nos peurs, nos blessures se traduisent dans le corps. Des trapèzes durs comme du bois, une respiration haute et saccadée, des maux de ventre chroniques : autant de signaux. Ces tensions sont souvent anciennes. Elles ont pris racine dans l’habitude.
Selon une étude de l’université de Harvard (Kross & Ayduk, 2011), ruminer un problème accentue les douleurs physiques associées à l’anxiété. Le mental crispe, le corps encaisse.
5. Un double niveau de travail : corps et conscience
Pour lâcher prise durablement, il faut agir en double étage :
- Le corps : par le mouvement, la posture, la respiration, le massage.
- L’esprit : par la prise de conscience, la reconnaissance des peurs, l’observation des croyances.
Ce travail peut être accompagné en coaching. Parfois, quelques séances suffisent pour faire tomber une tension chronique. Et avec elle, un pan de vie s’éclaire.
6. Lâcher prise sur le lâcher prise lui-même
Vous n’arrivez pas à lâcher prise ? C’est normal. Et ce n’est pas grave. Ce n’est pas une compétence à acquérir. Le meilleur point de départ, c’est d’accepter que vous avez du mal à l’accepter. C’est déjà une forme de détente.
7. La conscience, cet arrière-plan vaste et paisible
Au fond, nous ne sommes pas nos tensions. Nous sommes l’espace qui les observe. Ce que les traditions appellent « conscience ». Et de là, rien à faire : simplement voir, accueillir, respirer. Le mental ne peut pas lâcher. Mais vous, si.
Envie de tester ? Pourquoi ne pas commencer par respirer tranquillement dans votre bassin pendant deux minutes ?
Lâcher prise, une bascule d’appui
Lâcher prise, ce n’est pas renoncer à vivre. C’est renoncer à la crispation sur la manière dont la vie devrait se passer. C’est redonner au corps sa place, et à la conscience son rôle. C’est, littéralement, une bascule : du haut vers le bas, du mental vers le bassin, de l’avant vers l’arrière. Une bascule qui change tout.
Le bassin est une structure osseuse fondamentale pour la posture, l’équilibre et la mobilité du corps. Il agit comme une charnière entre le tronc et les membres inférieurs. Ses mouvements influencent directement l’alignement de la colonne vertébrale, notamment la région lombaire.
Rétroversion du bassin
La rétroversion du bassin est un mouvement d’inclinaison du bassin vers l’arrière dans le plan sagittal. Pour visualiser ce mouvement, imaginez que le pubis se soulève et s’avance, tandis que les ischions (les os sur lesquels on s’assoit) et le coccyx se rapprochent du sol. Cela a pour effet de diminuer la courbure naturelle (lordose) du bas du dos, voire de l’aplatir ou de l’arrondir.
C’est le mouvement opposé à l’antéversion du bassin, où le bassin bascule vers l’avant, augmentant la cambrure lombaire.
Explication simple
Pensez à la posture du « chat » dans le yoga : lorsque vous arrondissez le dos en poussant le bas du dos vers le plafond, votre bassin est en rétroversion. Lorsque vous pressez votre bas du dos contre le sol en étant allongé, vous êtes en rétroversion.
Causes possibles
- Mauvaise posture prolongée, notamment la position assise sédentaire.
- Déséquilibre musculaire : souvent causée par des muscles abdominaux trop tendus ou raccourcis et des muscles du bas du dos faibles ou étirés. Les ischio-jambiers (à l’arrière de la cuisse) peuvent également contribuer à cette posture s’ils sont courts ou tendus.
- Faiblesse des fessiers.
Conséquences d’une rétroversion chronique
Une rétroversion chronique peut entraîner :
- Des tensions dans la colonne vertébrale, notamment au niveau lombaire.
- Une diminution de la mobilité des hanches.
- Des douleurs diverses, y compris des hernies discales à terme.
- Une modification de la posture globale, pouvant impacter la cage thoracique et les cervicales.
Nota : La « Bascule du bassin »
La bascule du bassin, est une expression souvent employée comme synonyme de rétroversion, mais c’est un tort, car la bascule du bassin, également appelée bascule pelvienne, fait référence à une asymétrie de hauteur entre les deux côtés du bassin. Imaginez que l’un des os iliaques (les grandes ailes du bassin) est plus haut que l’autre. C’est un phénomène courant qui peut être asymptomatique (sans douleur) ou provoquer des douleurs importantes.
Causes possibles
- Inégalité de longueur des membres inférieurs (réelle ou fonctionnelle).
- Scoliose ou attitude scoliotique (courbure anormale de la colonne vertébrale).
- Troubles statiques du pied (comme des pieds plats ou creux).
- Tensions musculaires asymétriques (par exemple, muscles fessiers, psoas, adducteurs, quadriceps).
Symptômes courants
Douleurs pouvant irradier vers les hanches, les genoux (syndrome rotulien, tendinites), les chevilles, et même entraîner des névralgies (comme des sciatalgies).
- Douleurs lombaires chroniques ou récurrentes.
- Déséquilibre dans la démarche.
- Sensation d’une jambe plus courte.
- Boiterie ou instabilité.
En synthèse :
- La bascule du bassin est une asymétrie latérale de hauteur du bassin.
- La rétroversion du bassin est une inclinaison du bassin vers l’arrière, entraînant un aplatissement ou un arrondissement du bas du dos.
Ces déséquilibres, qu’ils soient de bascule ou de rétroversion, peuvent avoir des répercussions significatives sur la santé musculo-squelettique et la posture globale du corps. La correction passe souvent par des exercices de renforcement et d’étirement ciblés, et parfois par des ajustements posturaux ou des traitements spécifiques.
Ce dont nous parlons ici dans cet article sur le lâcher prise du haut du corps en prenant appui, fait référence à une subtile rétroversion, simplement pour réduire légèrement la cambrure habituelle des reins, généralement trop accentuée.
Maîtrise et lâcher prise
La maîtrise est la capacité à être pleinement présent à l’instant présent, complètement disponible, et ouvert aux opportunités. C’est l’opposé du contrôle compulsif, qui vise à ramener chaque nouveauté à du déjà connu, pour se rassurer. Le lâcher prise et l’enracinement sont les fondements de toute maîtrise authentique.
Au contraire, maîtriser c’est reconnaître la part de nouveauté qu’il y a dans chaque situation, au lieu de chercher les ressemblances avec une situation déjà vécue. Maîtriser, c’est accepter de se laisser surprendre par la nouveauté, pour inventer sur mesure une réponse nouvelle…
Maître Taisen Deshimaru, qui a joué un rôle majeur dans l’introduction et l’établissement du Zen Sōtō en Europe, insistait beaucoup sur l’importance de la posture juste en Zazen (méditation assise). Pour lui, le corps et l’esprit sont indissociables : une posture correcte est la fondation nécessaire pour apaiser l’esprit et atteindre l’éveil. Le lâcher-prise au niveau des épaules est un aspect crucial de cette posture.
Le lâcher-prise des épaules dans la posture de Zazen
Pour Deshimaru, la posture de Zazen n’est pas une simple contrainte physique, mais une expression de l’attitude mentale. Le corps doit être à la fois érigé, stable et détendu.
- L’ancrage et l’étirement : Deshimaru enseignait à « pousser la terre avec les genoux et le ciel avec la tête ». Cette image puissante souligne l’importance d’un bassin bien ancré sur le zafu (coussin de méditation), basculé légèrement vers l’avant, pour permettre à la colonne vertébrale de s’étirer naturellement vers le haut. Le menton est rentré, la nuque étirée, alignant la tête avec la colonne.
- La détente des épaules comme clé de voûte : C’est dans ce contexte d’étirement vertical que le lâcher-prise des épaules prend tout son sens. Deshimaru insistait sur le fait que les épaules doivent « tomber naturellement » et être « détendues » ou « relâchées ».
- Pourquoi est-ce si important ? Les épaules sont un lieu d’accumulation majeur de tensions liées au stress, à l’anxiété, aux préoccupations mentales et à une mauvaise posture habituelle (par exemple, penché sur un écran). Si les épaules sont contractées, elles créent une tension dans la nuque, le dos, et peuvent entraver une respiration profonde et naturelle.
- Conséquence sur la respiration : Deshimaru soulignait que la « respiration juste » ne peut émerger que d’une posture correcte. Des épaules détendues libèrent le diaphragme et la cage thoracique, permettant à la respiration de descendre profondément dans le ventre (hara), ce qui est essentiel en Zazen. Une respiration basse, longue et silencieuse est le pilier de la concentration et de l’apaisement mental.
- Conséquence sur l’esprit : Les tensions corporelles sont directement liées aux tensions mentales. En relâchant les épaules, on aide l’esprit à lâcher prise sur ses propres tensions, ses pensées agitées et ses attachements. Le corps et l’esprit sont un seul et même axe.
La maîtrise de la posture Zazen : une expression de non-but (Mushotoku)
Pour Maître Deshimaru, la maîtrise de la posture de Zazen n’est pas un objectif en soi à atteindre par la force ou la volonté. Elle est le résultat d’une pratique assidue et juste, qui incarne le principe de Mushotoku (sans but ni esprit de profit).
- Le corps comme miroir de l’esprit : Deshimaru affirmait que la posture correcte est la manifestation physique d’un esprit juste. On ne s’assied pas en Zazen pour obtenir quelque chose (comme l’éveil, la paix intérieure ou la concentration), mais simplement pour s’asseoir. C’est le « seulement s’asseoir » (Shikantaza).
- La posture, la respiration, l’état d’esprit : Ces trois éléments sont les piliers du Zazen et sont intimement liés. La juste posture permet la juste respiration, qui à son tour apaise le mental et permet aux pensées de passer « comme des nuages dans le ciel », sans s’y accrocher ni les refouler.
- Libération par l’action : En maintenant la posture stable et en relâchant les tensions comme celles des épaules, sans lutter contre le corps ou l’esprit, le pratiquant s’abandonne au moment présent. La maîtrise n’est pas une lutte, mais une fusion harmonieuse entre le corps et l’esprit, où les efforts deviennent imperceptibles. C’est en faisant sans but que le véritable éveil ou la véritable clarté peut naturellement émerger.
Quelques citations d’Eckhart Tolle
- Le lâcher prise est le fondement de la maîtrise. La maîtrise est le contraire du contrôle.
- La maitrise s’enracine dans le lâcher prise, qui seul permet d’être présent
- Pour lâcher prise, il faut prendre appui dans le corps, dans le bassin = oser donner sa confiance en la vie
- Le lâcher prise n’est pas une désertion, un « ça m’est égal » (résistance déguisée), une passivité, une fuite. Au contraire, c’est un engagement dans l’adhésion à ce qui est !
- Le lâcher prise ne transforme pas directement les situations, mais vous transforme vous-même, avec une répercussion sur l’extérieur
- Nous sommes dans une prison dont les barreaux sont nos propres pensées. Nous sommes retenus victimes du contenu de nos souffrances, à cause de nos pensées qui entretiennent la croyance en ces souffrances et notre attachement à celles-ci (qui nous rassurent : quand on souffre, au moins l’ego existe…)